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L’aérodynamisme est le nerf de la guerre dans un moteur d’avion. Plus les aubes sont aérodynamiques, plus le moteur sera efficace et économe en carburant, sauvant des sommes astronomiques aux compagnies aériennes. Le design des aubes est évidemment fait avec cet aspect en tête, mais quand vient le temps de les fabriquer, ça se complique.

Depuis plusieurs années, les motoristes s’équipent de systèmes robotisés adaptatifs pour profiler les aubes forgées et machinées avec haute précision et même pour recréer les profils des aubes usagées (MRO). Depuis peu, les motoristes se penchent sur les aubes moulées. Dans la course à l’aérodynamisme parfait, les limites des moules se font sentir, plus particulièrement sur les bords de fuite des aubes.

Pourquoi le bord de fuite?

S’il est évident qu’un objet ayant une forme effilée créera moins de résistance que celui de forme carrée, il n’est pas moins vrai que la forme de la fin de l’objet a un impact sur son aérodynamisme. Sans vouloir faire un cours sur les forces aérodynamiques, regardons simplement la trainée de forme : plus la fin de la forme est carrée, plus la trainée créera de tourbillons. Plus la fin de la forme est amincie, plus l’écoulement de l’air sera laminaire. Le tourbillon d’air, aussi appelé turbulence de sillage, nuit à l’aérodynamisme et, à l’inverse, plus l’air s’écoule de manière laminaire, plus l’objet est aérodynamique.

Trainée de forme, image provenant de monsite.com

Dans les moteurs d’avion 

Ce phénomène est également présent dans les moteurs d’avions. La turbulence de sillage des aubes a un impact sur l’efficacité des moteurs et sa consommation d’essence. Alors que les bords de fuite des aubes forgées et machinées sont depuis longtemps retravaillés, cet intérêt est plutôt nouveau concernant les aubes moulées de la section chaude des turbines à gaz.

Encore et toujours, les limitations technologiques nuisent à l’atteinte de l’aérodynamisme parfait; le métal en fusion introduit dans les moules a une viscosité qui ne lui permet pas de s’insérer dans un moule très mince. Le design de certaines aubes requiert un bord de fuite d’environ 0.75mm d’épaisseur (à ± 37.5um), ce qui est trop mince pour le métal en fusion. Ainsi, les fabricants n’ont d’autre choix que d’épaissir les moules afin que le matériau s’y rende, pour ensuite retirer le surplus de matière afin d’atteindre les requis de tolérance.

Et même si un moule assez mince pouvait être rempli, les variations du procédé de moulage sont plus grandes que les tolérances de répétabilité demandées. Il faudrait donc quand même machiner l’aube à sa sortie du moule.

Comment amincir le bord de fuite?

Prenons l’exemple cité plus tôt demandant l’épaisseur du bord de fuite de l’aube de 0.75mm avec une tolérance de ± 37.5um. Comment y arriver? Nous connaissons tous les limitations du travail manuel, alors passons. Utiliser une CNC qui comprend une technologie adaptative est une solution viable. Appliquer la technologie existante de profilage adaptatif des aubes machinées aux bords de fuite fonctionne également très bien, tout en réduisant grandement les coûts pour l’automatiser.

Dans ces systèmes, des roues sont utilisées pour amincir le bord de fuite. Comme le démontre bien l’image ci-contre, retirer du matériel du côté extérieur de la pièce peut se faire avec une plus grande roue. L’utilisation d’une grande roue est préférable pour tout motoriste car cette dernière requiert moins de temps de manutention en changement d’outil, moins de coûts d’abrasifs, etc.

Il serait possible de minimiser l’utilisation de petites roues si le moule avait la forme parfaite du côté intérieur de l’aube et que le surplus d’espace, nécessaire pour que le métal en fusion s’y insère, était mis vers l’extérieur. Ainsi, seul le côté extérieur aurait besoin d’être machiné afin d’atteindre les tolérances requises et la finition serait grandement optimisée. Mais comment faire pour que les moules soient modifiés ainsi? Nous nous heurtons ici à un changement de paradigme dans le design et la fabrication des aubes de turbines à gaz.

Changement de paradigme

Depuis quelques années, l’automatisation demande des changements de paradigmes chez les manufacturiers tout azimut. Une grande tendance ressort des changements en aérospatiale : un dialogue entre les designers et les fabricants doit exister. L’exemple actuel ne déroge pas à ce fait. Dans un monde idéal, les designers travailleraient main dans la main avec les manufacturiers afin de créer les designs les plus aérodynamiques possibles selon les technologies existantes. Il importe que ce dialogue soit continu car, grâce à l’innovation et aux avancées technologiques constantes, qui sait ce que les fabricants pourront faire dans 10 ans!

À plus petite échelle, nous vivons aujourd’hui un changement de paradigme chez les motoristes concernant les pièces moulées. Auparavant, les aubes moulées étaient considérées comme ayant une forme parfaite. Maintenant que la technologie pour améliorer leur aérodynamisme existe, elles deviennent tout aussi stratégiques dans la course à l’efficacité et à la consommation minimale de carburant.

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